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Celle que je n’aurais pas dû être

Je suis née dans une histoire qui ne voulait pas de chapitre de plus. Je suis née dans le souffle d’un soupir, dans l’espace vacant entre deux silences. On ne m’attendait pas. On me gardait, par défaut. On ne m’appelait pas. On me supportait. Et pourtant, j’étais là. Petite chose collée à la vie, agrippée à un ventre déserté par une sœur et précédée par un frère fantôme. À croire que déjà, je savais que pour exister, il faudrait s’accrocher.

Je suis née le 6 mars 1986 à Pessac. Ma mère vivait encore chez ses parents, un mariage prévu au coin du couloir, une religion en bandoulière, et un ventre trop vite rempli. Trop vite vidé. Puis rempli encore. Pas de place pour les surprises, encore moins pour les erreurs récurrentes. Mais je suis restée. Je suis devenue ce qu’on garde à défaut d’avoir pu choisir. Ce que l’on aime sans le dire, ce que l’on traîne comme une dette, un rappel permanent d’un écart de conduite. Une bâtarde dans une lignée bien-pensante. On ne m’a pas dit que je n’étais pas la bienvenue. On me l’a fait comprendre. Plus tard, bien plus tard, au détour d’une séance de kinésiologie, entre deux souvenirs que je croyais éteints, j’ai senti les non-dits remonter à la surface. Ce n’était pas une révélation brutale. C’était pire : un aveu en forme de soupir. Ma mère a lâché ce poids avec des mots simples. Deux erreurs. Deux grossesses. Deux retenues. Une seule gardée. Moi.

Mais l’amour, je l’ai reçu ailleurs. Chez mes grands-parents, pendant les premiers mois de ma vie. Presque deux ans, bercée par l’odeur du magnolia et des soupes maison. Annie, ma grand-mère, ma marraine. Ma boussole. Elle est toujours là. C’est elle qui m’a appris à conduire dans cette vieille carrière derrière la maison, dans la Peugeot 205 de mon grand-père, avec sa boîte déviée à la main. On riait fort. Elle m’a transmis l’amour du risque, des belles voitures, de la vitesse qui libère quand le monde nous enferme. C’est peut-être avec elle que j’ai appris à ressentir que j’existais.

Mais en grandissant, mon corps est devenu un terrain d’hostilité. Trop ronde, trop présente, trop bavarde. On m’a vite appris que je n’étais pas à la hauteur. Je n’étais pas reconnue. Pas vue. Pas valorisée. Je survivais. Je devenais la gentille petite fille qu’on attendait, qu’on espérait. Mais je n’étais jamais assez. Alors j’ai appris à me dissoudre, à me taire, à me mouler dans les attentes. J’ai appris à faire bonne figure. J’ai appris à faire illusion.Et dans le silence de cette illusion, j’ai commencé à m’oublier.

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